Un toit pour saint Joseph

L’anecdote peut faire sourire, mais la coïncidence est tout de même singulière. Alors que depuis quelques jours on assiste au coulage du béton des toits du nouveau pavillon d’accueil, il y a 85 ans presque jour pour jour se terminait le coulage du béton du dôme de l’Oratoire.

Plans dôme

Plans de la construction du dôme. Maxime Cailloux, 1937, Les Ingénieurs Associés. Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal.

La basilique incomplète

Au mois de novembre 1936, devant des travaux qui peinaient à se terminer, le frère André suggère aux religieux de l’Oratoire de faire une procession afin de déposer une statue de saint Joseph dans l’édifice inachevé et encore sans toit1. Dans sa biographie sur le frère André écrite en 1938, le père Henri-Paul Bergeron, c.s.c., raconte cette dernière montée émouvante :

« Nous nous mettons à gravir en récitant le chapelet, la rude pente qui conduit à la basilique. Le frère André, qui essaie de suivre cette procession, s’arrête exténué. Une tristesse poignante […] nous assaille: la basilique se terminera, mais son artisan, le frère André, ne sera plus au milieu de nous…

Dans l’abside, la statue de saint Joseph est déposée. Au milieu de nos prières, la grandeur nous saisit de l’œuvre réalisée sur le Mont-Royal. Il semble bien que le vénérable vieillard ait été vraiment inspiré en proposant la démarche que nous exécutons.»2

Et en effet, le frère André décède quelques semaines plus tard, le 6 janvier 1937, sans avoir vu l’achèvement de son œuvre.

Procession allée sacrée

Vue du sanctuaire avant la construction du dôme. [193-].
Photographe inconnu.
Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal. 72-2.

Une opération longue et délicate

Une année passe et le 6 novembre 1937, soit presqu’un an jour pour jour après la procession, l’entrepreneur débute le coulage du béton du dôme extérieur de l’Oratoire. L’ingénieur Maxime Cailloux, un des responsables de cette opération, racontera dans plusieurs articles cette étape hors du commun.

Le dôme en octobre 1937, quelques mois avant le coulage du béton.

Le dôme en octobre 1937, quelques mois avant le coulage du béton. On peut apercevoir les échafaudages pour le coffrage en béton à venir.
Photographe inconnu.
Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal. 99-8a.

Construit sur le modèle d’un polygone de 16 côtés, les dômes sont « deux voiles minces de béton, deux coquilles ovoïdes entièrement indépendantes l’une de l’autre ». Grâce au choix de béton armé, une solution favorisant la légèreté et l’économie, les ingénieurs peuvent se féliciter d’avoir réalisé « un dôme de 120 pieds de diamètre par 95 pieds de hauteur avec une épaisseur de sept (7) pouces de béton […] »3.

Opération de coulage du béton

Opération de coulage du béton lors de la dernière journée du processus. 15 novembre 1937. Photographe inconnu.
Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal. 99-1b.

Déjà extraordinaire en soit, la construction du dôme extérieur l’est encore plus par le temps nécessaire à sa réalisation. Comme l’opération se déroule en novembre, il fallut agir vite et avec du béton à prise rapide. Des compresseurs installés dans la sacristie de la basilique propulsaient les mélanges de sable, de pierre et de ciment 215 pieds au-dessus, dans des réservoirs maintenus à une température convenable. L’eau n’a été ajoutée qu’au moment de la sortie dans le coffrage. Cailloux nous raconte :

« Le béton fût projeté sur le dôme sans interruption jour et nuit pendant neuf jours. Le travail a commencé le 6 novembre 1937 à deux heures de l’après-midi pour finir le 15 novembre à neuf heures du soir.4»

2022 : même opération, moins de complication
Coulage du béton sur le chantier du Pavillon d’accueil

Coulage du béton sur le chantier du Pavillon d’accueil. Octobre 2022. Photographe : Martin Brideau.

Coulage béton sur le chantier du pavillon d'accueuil

Coulage du béton sur le chantier du Pavillon d’accueil. Octobre 2022. Photographe : Martin Brideau.

À la fin du mois d’octobre, les équipes en place sur le chantier du nouveau pavillon d’accueil terminent juste sous nos fenêtres le coulage d’un nouveau toit en béton. Il s’agit du toit du tunnel qu’emprunteront les pèlerins pour se rendre du pavillon à la chapelle votive. Cette fois-ci ce ne sont pas neuf jours qui ont été nécessaires, mais bien plutôt quelques heures.

Quelle coïncidence tout de même. On en peut s’empêcher de rendre grâce à saint frère André et notre saint patron, saint Joseph, sourire en coin, devant un tel sens du spectacle !

  1. Cette anecdote est rapportée par certains biographes de saint frère André, mais rien n’apparaît à cet effet dans les procès-verbaux du conseil local de l’Oratoire.
  2. BERGERON, Le frère André, Oratoire Saint-Joseph, 1988, p.162
  3. CAILLOUX, Les dômes de l’Oratoire, Annales de Saint-Joseph, avril 1941, p.114
  4. Ibid., p.118