Un orgue centennaire

Facteur d’orgue réputé de la région de Saint-Hyacinthe, la maison Casavant Frères est, au début du 20e siècle, un des plus importants fournisseurs d’orgues pour les églises et les communautés religieuses au Québec1.

À la demande du recteur de l’Oratoire, le père Georges-Auguste Dion, c.s.c., la maison Casavant rédige un premier devis pour répondre aux besoins d’un « lieu de dévotion [qui] sera fréquenté par des pèlerinages considérables » 2. Conscient que le chant allait devenir courant dans la crypte-église, le fabriquant propose un instrument puissant capable de soutenir et de guider les voix. L’instrument de 19 jeux coûte 3 808 $ à laquelle on suggère d’ajouter 166 $ pour l’addition d’une « trompette » 3. Le fabriquant regrette que l’Oratoire ne puisse installer un orgue de 25 jeux, mais le coût pour un tel instrument (4 750 $) fût jugé prohibitif à l’époque : « Nous savons que le côté pécuniaire est à considérer, et nous avons voulu rester dans les limites que vous nous aviez fixées en préparant le devis de l’orgue que vous vous proposez d’acheter ». Fait singulier, on peut lire à l’endos de la première lettre entre le recteur et Casavant Frères une note manuscrite de madame Delphine Vanier Beaudry, rédigée le 26 octobre 1916. Cette dernière s’engage à défrayer le coût total de l’instrument.

Suite à quelques modifications aux claviers, pédaliers, mécanisme et éléments décoratifs, on débute l’installation de l’orgue en 1917 4. Tout est terminé à temps pour l’inauguration de la crypte qui aura lieu le 16 décembre de la même année. Évidemment, l’orgue est mis à contribution lors de la cérémonie, et ce dès l’ouverture. Alors qu’une foule compacte remplie la crypte, « l’orgue et les chorales des collèges de Notre-Dame et de Saint-Laurent, ainsi que du Scolasticat, trompent l’impatience des assistants par le chant des cantiques à saint Joseph » 5. On peut sans difficulté imaginer l’effet de ces chants sur les pèlerins qui levaient les yeux vers l’imposante statue en marbre de Carrare du maître-autel…

Le « petit » orgue de la crypte souffle cette année 100 bougies. Il a été témoin de bien des événements, dont les plus mémorables demeurent sans doute le décès de saint frère André et sa canonisation. Mais c’est au quotidien qu’il est le plus fidèle, alors que « très tôt le matin pour le chant de nombreuses messes, l’après-midi et le soir aux offices spéciaux, sans mentionner les fréquents pèlerinages qui s’amènent à toute heure du jour » 6, l’orgue de la crypte chante et enchante.

Fig. 1 – Vue de l’orgue de la crypte et de son jeux. Archives de l’Oratoire Saint-Joseph (47b-3).

Fig. 2 – Le frère Ubald Parr, c.s.c., assis à l’orgue, a été organiste à la crypte pendant de nombreuses années. Archives de l’Oratoire Saint-Joseph (47b-6).

  1. Bibliothèques et Archives nationales du Québec, Collection Famille Casavant
  2. Lettre de Casavant Frères au père G.A. Dion, c.s.c., 24 août 1916
  3. Dans ce contexte il s’agit d’un jeu de tuyaux sur l’orgue qui rappelle, comme son nom l’indique, le son de la trompette.
  4. Denise Robillard, Les merveilles de l’Oratoire, p. 100
  5. Annales de Saint-Joseph, janvier 1918, p.58
  6. Citation du frère Ubald Parr, c.s.c. lors de la consécration de la crypte, en 1943