La pierre tombale voyageuse du bienheureux Basile Moreau

À l’arrière de la basilique, dans une petite chapelle absidiale, se trouve un objet remarquable et particulièrement précieux pour la Congrégation de Sainte-Croix : la pierre tombale originale de son fondateur, le bienheureux Basile-Antoine-Marie Moreau. L’histoire de son parcours en est une relativement énigmatique.

Décès du père Moreau

Le 20 janvier 1873, à midi et demi, le révérend père Basile Moreau rend son dernier soupir.

Pendant trois jours, des membres de toutes les couches de la société et de tous âges se rendent de partout à la chapelle ardente prier à genoux devant la dépouille et lui faire toucher des objets de piété.

Ses funérailles ont lieu le 22 janvier et sa dépouille est déposée dans la chapelle du cimetière de la congrégation de Sainte-Croix au Mans.

Le lendemain, une pierre tombale est mise en place afin de protéger ses restes.

C’est son neveu, le père Charles Moreau, qui se charge de rédiger l’épitaphe.

Première pierre tombale Basile Moreau

Première pierre tombale du père Basile Moreau, en ardoise sombre, dans la chapelle du cimetière de la congrégation de Sainte-Croix au Mans, France.

Service d’archives de la Province canadienne de la congrégation de Sainte-Croix, A1,21,6.1

Une nouvelle pierre tombale pour le 50e

Au début des années 1920, la congrégation de Sainte-Croix décide de commémorer le cinquantième anniversaire du décès du père Moreau.

Le 12 janvier 1924, ses restes sont exhumés afin de les mettre dans un nouveau cercueil en chêne doublé de plomb pour mieux les protéger.

Il y avait toutefois un problème : la pierre tombale, en ardoise sombre, protégeant les restes n’était plus en bon état et se mariait assez mal avec le marbre blanc de la chapelle, récemment restaurée. Avant l’exhumation, on procède à la commande d’une nouvelle pierre, en marbre blanc, afin de remplacer la première.

On en profite pour réparer une erreur historique. La quatrième ligne de l’épitaphe est ainsi modifiée afin d’ajouter les Salvatoristes (pères de Sainte-Croix) et les Joséphites (frères de Sainte-Croix). Une mention concernant l’exhumation est aussi ajoutée au bas de cette nouvelle pierre tombale.

Seconde pierre tombale

Seconde pierre tombale du père Basile Moreau, en marbre blanc.
Service d’archives de la Province canadienne de la congrégation de Sainte-Croix, A1,21,6.5

Une pierre tombale voyageuse

L’ancienne pierre tombale en ardoise noire ayant été retirée, il restait à trouver un endroit où l’entreposer.

Authentique relique, elle était trop précieuse pour ne pas être conservée.

C’est ainsi, possiblement dans un esprit de prévoyance concernant une autre grande guerre en Europe, qu’elle est envoyée au Canada entre 1924 et 1939.

Un grand mystère subsiste quant aux conditions dans lesquelles elle fut transportée au Canada.

En 1945, le père André Legault écrit dans son livre Le père Moreau, 1799-1873 : fondateur des religieux et des religieuses de Sainte-Croix : « Cette pierre tombale […] a été rapportée de France en Amérique, comme une relique insigne ».

Nous ignorons où elle se trouvait à cette époque, mais nous savons que vers la fin de l’année 1960, les autorités provinciales de la congrégation décident de la déplacer. La pierre était alors fixée à un mur, près de la chapelle funéraire du cimetière de la congrégation, derrière l’église de la paroisse Saint-Laurent.

Puisqu’elle tolérait de plus en plus mal le climat canadien, il est décidé de l’installer dans la grande chapelle du Collège de Saint-Laurent, près de la porte du jubé de l’orgue. Après la vente du collège en 1967, elle est transférée dans le sous-sol de l’église de Saint-Laurent.

Transfert à l’Oratoire

En septembre 1980, la pierre tombale est transférée à l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal.

Elle reste cachée dans l’une de ses réserves pendant près de deux décennies.

En 1997, à l’occasion d’une exposition célébrant les 150 ans de l’arrivée au Canada des Sainte-Croix, la pierre est exposée au Musée de l’Oratoire Saint-Joseph.

Suite à cet événement, la congrégation demande aux autorités de l’Oratoire de l’exposer au public « dans un endroit convenant à une telle pierre ».

C’est ainsi qu’elle retrouve la lumière du jour dans une chapelle absidiale, à la droite du chœur de la basilique de l’Oratoire.

Installation de la pierre tombale

Installation de la pierre tombale originale à son emplacement actuel. CARDG

Après la béatification du père Moreau, en 2007, les autorités de l’Oratoire peuvent enfin transformer la chapelle absidiale en chapelle dédiée au père fondateur.

Pour l’occasion, un buste du père Moreau est ajouté. Toutefois, la pierre reste encore cachée au public par un mur et, pour des raisons de sécurité, la chapelle est fermée par une grille, ne laissant visible que le buste.

Ce n’est que dans le cadre de l’exposition du 150e anniversaire du décès du père Moreau, le 20 janvier 2023, que les grilles sont enfin ouvertes et que les fidèles peuvent prier à l’intérieur de la chapelle et admirer cette précieuse relique. De plus, une statue en pierre blanche du bienheureux provenant des Sœurs de Sainte-Croix trône au centre de cette chapelle.

Merveilleuse ironie de l’histoire, lui qui avait rêvé d’un sanctuaire dédié à saint Joseph, sa pierre tombale repose désormais dans le plus grand sanctuaire dédié au père adoptif du Sauveur, bâti par le plus humble de ses fils spirituels qui l’a précédé dans la sainteté, le saint frère André.

Intérieur chapelle Basile Moreau

Intérieur de la chapelle absidiale dédiée au père Moreau.
Photographe : Martin Brideau