Le «passeur» de saint frère André

Nous avons retrouvé dernièrement la trace d’un homme qui a joué un rôle capital dans la vie religieuse de saint frère André, le curé Joseph André Provençal (1817-1889).

Le curé Provençal nous donne l’impression d’un curé Labelle de la Montérégie. Né à Château-Richer, étudiant aux séminaires de Saint-Hyacinthe et de Montréal, il est ordonné prêtre en 1843 et est aussitôt employé comme professeur au collège classique de Chambly. Il est nommé à Saint-Césaire en 1850 et il y restera jusqu’à sa mort1.

Bâtisseur, il achève la construction de la première église du village alors même que de profondes dissensions semblent tout bloquer. Puis, il entreprend d’établir des maisons d’enseignement. Un premier pensionnat pour jeunes filles ouvre ses portes en 1857 et compte 150 élèves. Les Sœurs de la Présentation sont en charge de l’établissement (désigné sous le nom de Couvent de la Présentation). Elles ont une dévotion particulière envers saint Joseph : le couvent et la chapelle lui sont naturellement dédiés2.

Le tour des garçons ne devait pas tarder avec la construction puis l’ouverture, en 1869, d’un collège commercial confié à la direction des Frères de Saint-Joseph de la Congrégation de Sainte-Croix3. Si saint Joseph est le titulaire du couvent de la Présentation, saint André sera celui du collège pour les garçons.

L’orphelin Alfred Bessette passe quelques années de sa jeunesse à Saint-Césaire (de 1857 à 1863) avant de quitter pour les États-Unis afin d’y tenter sa chance. Rien ne nous permet de croire que le curé Provençal et lui ont noué quelque amitié ou relation que ce soit durant cette période4. On peut cependant supposer que la fréquentation de la nouvelle église du curé Provençal, avec son clocher d’argent et sa décoration de bon goût, a possiblement émerveillé le jeune garçon.

Toutefois, nous savons avec certitude que leurs chemins se sont croisés au retour d’Alfred Bessette, en 1867. Employé comme garçon de ferme chez Louis Ouimet, on remarque assez rapidement que le jeune homme pratique une prière très intense. M. Ouimet s’ouvre au curé Provençal qui convoque les deux hommes. Au fil des discussions, le curé découvre qu’Alfred Bessette, n’ayant pas suffisamment d’éducation et trop pauvre, ne peut poursuivre son idéal de vie consacrée.

«Je vais voir où le placer» aurait affirmé le curé Provençal5.

Le reste appartient à l’histoire. Le curé Provençal présente Alfred aux Frères de Saint-Joseph du Collège Saint-André. Quelques temps après, il le conduit aux portes du Collège de Saint-Laurent, maison provinciale de la Congrégation de Sainte-Croix, à Montréal. Puis, en 1870, le jeune homme rejoint le noviciat de la Congrégation au Collège Notre-Dame de la Côte-des-Neiges. Frère André habite dorénavant devant la montagne…

Peut-être vous demandez-vous quelle est la trace du curé Provençal dont nous avons fait mention au début de ce texte ? Il s’agit de sa signature retrouvée à la page de garde de l’Annuaire de Marie ou le Véritable serviteur de la saint Vierge, publié en 1839. À la journée de la fête de saint Joseph, l’instruction porte sur «la dévotion de faire des vœux et des pèlerinages…»

Sources des images:

Portrait du curé Joseph André Provençal, date inconnu. Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, 1-19.

Frère André lors de la profession des vœux perpétuels, 1874. Henri Larin, photographe. Archives de l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal, 5-1.

1. Allaire, Dictionnaire biographique du clergé canadien-français. Volume 1 : Les Anciens. Montréal, 1910, p. 453
2. Catta, Le frère André 1845-1937. Montréal, 1964, p. 142
3. Ibid, p. 144
4. L’Oratoire, mai 1960, p. 25
5. Dubuc, dans Album officiel de la canonisation de frère André. Montréal, 2010, p.17