« J’étais bien convaincu que c’était un saint. […] Dès le début de l’œuvre de l’Oratoire Saint-Joseph, il m’a beaucoup encouragé. Il est venu à l’Oratoire plusieurs fois. Avant sa messe, généralement, il m’encourageait beaucoup. J’appréciais beaucoup ses encouragements. »1 – Saint frère André

Ce que disait ici le frère André du bienheureux père Frédéric, dont le reliquaire sera exposé à l’Oratoire Saint-Joseph ce dimanche 21 août, bien des gens de son époque l’ont également pensé. C’est que le bienheureux Frédéric Janssoone, o.f.m., né à Ghyvelde en France en 1838, était lui-même un pèlerin infatigable, un habitué de l’Oratoire dès ses tout débuts.

En fonction en Terre Sainte de 1878 à 1888, le père Frédéric découvre le Québec lors d’une rencontre avec l’abbé Léon Provencher de Cap-Rouge, pèlerin à Jérusalem en avril 1881. Quelques mois plus tard, le 24 août, le père Frédéric débarque à Lévis pour une campagne de quêtes et d’aumônes en vue de la construction de l’église Sainte-Catherine (voisine de l’église de la Nativité, à Bethléem). Pendant un an, ses prêches aux quatre coins de la province lui valent une vive reconnaissance des fidèles qui voit en lui un descendant des premiers missionnaires récollets. Après six autres années en Palestine, il revient s’installer définitivement à Trois-Rivières en 1888.

Au Québec, la vie du père Frédéric sera débordante d’activités. Il est à l’origine de l’édification du commissariat de Terre Sainte et du couvent régulier franciscain, mais également de nombreuses collectes pour les œuvres franciscaines et diocésaines, de l’érection de chemins de croix en plein air et de l’organisation de retraites dans les paroisses et les communautés. Auteur érudit et prolifique, on lui doit la création de deux revues − les Annales du T. S. Rosaire (Cap-de-la-Madeleine) en 1892 et la Revue eucharistique, mariale et antonienne (Québec) en 1901 − auxquelles il contribue régulièrement. Il est en outre l’auteur de nombreuses autres publications et articles portant sur la Terre Sainte et la spiritualité, la vie de Jésus, de Marie, de saint Joseph, de sainte Anne, des saints François d’Assise et Antoine de Padoue… Ses ouvrages connaissent un franc succès. Ainsi la Vie de N-S. Jésus-Christ publiée en 1894 connaîtra une dizaine d’éditions et un tirage record de 42 000 exemplaires2. Fondateur du sanctuaire de Notre-Dame-du-Cap, il fait également sans relâche la promotion des sanctuaires de Sainte-Anne-de-Beaupré, de Notre-Dame-du-Cap et de l’Oratoire Saint-Joseph. Le petit oratoire dédié à saint Joseph bénéficie de son support moral et d’un appui spirituel important dès le début de son existence3.

On comprend donc le ton intime de la déclaration de frère André, qui laisse bien voir à quel point les deux hommes furent proches. Leur première rencontre eu lieu à Sainte-Anne-de-Beaupré. Alors que le père Frédéric revêtait les habits pour célébrer la messe, il se trouva sans personne pour l’assister. On lui proposa le frère André…4

Ils partageaient une affection sincère pour saint Joseph. Le père Frédéric avait publié en 1902 une biographie du protecteur de la sainte famille, Saint Joseph, sa vie son culte, que le frère André déclara « édifiante ». En 1948, la revue de l’Oratoire publiera d’ailleurs une instruction du père Frédéric sur saint Joseph5.

Un habitué de l’Oratoire, le père Frédéric gravit le flanc du mont Royal à au moins onze reprises entre 1911 et 1916, accompagné de ses pèlerins de Trois-Rivières, laïques ou novices franciscains. Ses visites sont courues et, tant les chroniques que la revue du sanctuaire témoignent de la passion que soulevaient ses prêches. Ainsi, le 6 septembre 1911, « Le T.R. Père Frédéric […] vient saluer le glorieux Titulaire de l’Oratoire […]. Le T.R. Père adresse la parole à la foule pieuse qui se presse dans le lieu saint pour prendre part aux cérémonies de l’après-midi.» 6 Le 25e anniversaire de sa nomination au Commissariat de la Terre Sainte est largement souligné dans les Annales de Saint-Joseph en octobre 1913 : « Plusieurs fois déjà il est venu prier l’auguste Patriarche de Nazareth dans son humble Oratoire de Mont-Royal [sic]. Il y a célébré la sainte messe […] il édifia les fidèles présents par une touchante et remarquable improvisation. » Au moment de sa mort, les pages des Annales souligneront également, dans une notice nécrologique digne d’un haut représentant de l’Église, la mort de cet « ami dévoué de l’Oratoire Saint-Joseph » mort en odeur de sainteté. Le souvenir du Père Frédéric a été conservé à l’Oratoire Saint-Joseph du Mont-Royal dans les cahiers des chroniques, dans la revue du sanctuaire, mais aussi par l’acquisition d’ouvrages biographiques et de superbes exemplaires de sa «Vie» de saint Joseph. Tous ces ouvrages sont accessibles au public et disponibles pour consultation à la bibliothèque du Centre d’archives et de documentation Roland-Gauthier. Il est agréable de penser que le reliquaire du « Bon père Frédéric » retrouvera la montagne de son fidèle ami, aujourd’hui saint, et que la petite chapelle d’origine ouvrira de nouveau ses portes à celui qui en a si souvent franchi le seuil. Références 1. Procès informatif du diocèse de Trois-Rivières, 1927, pp. 195-196 2. Constantin Baillargeon, « Jansoone, Frédéric » article sur le site du Dictionnaire biographique du Canada au http://www.biographi.ca/fr/bio/janssoone_frederic_14F.html  3. Roger Poudrier, Le bienheureux Frédéric, Médiaspaul, 2001, pp.7-8 4. Étienne Catta, Le frère André 1845-1937, FIDES, 1964, p. 325 5. Comment le père Frédéric, o.f.m., parlait de saint Joseph», L’Oratoire, juillet-août 1948, pp.220-222. 6.  Annales de Saint-Joseph, année 1, numéro 4, avril 1912, p. 123